Les Voiles de Saint-Tropez ont fêté avec éclat le trentième anniversaire, déjà, d’un événement hors du temps qui confine parfois au rêve éveillé. Cette nouvelle semaine dédiée au yachting triomphant et, semble-t-il, éternel, a passé comme dans un rêve, tant nul ne se lasse jour après jour de voir glisser sur l’onde les plus beaux yachts nés de l’envie de bien naviguer depuis près de 140 ans. Au-delà des classements et autres Trophées, on retiendra surtout la belle communion d’esprit qui a réuni les 4 200 et quelques marins, skippers ou propriétaires venus de tous les océans fêter le nautisme et remercier à leur façon Ikra, Pride, Patrice de Colmont et Saint Tropez d’avoir eu un jour de septembre 1981 cette idée simple de célébrer dans ce golfe magique l’art de bien vivre la mer. Un flambeau repris aujourd’hui avec passion, et dans le même esprit, par la Société Nautique de Saint-Tropez.
Le souffle de la Nioulargue
« Nous aimerions que chacun se souvienne, ou apprenne, comment la Nioulargue est née » suggère André Beaufils, le président de la Société Nautique de Saint-Tropez, « lorsqu’en 1981, Patrice de Colmont, par une intuition qui le caractérise, avait imaginé un défi sans enjeu, une régate entre une bande de copains venus se saluer à la fin de l’été avant la saison de voile suivante. » Initialement baptisée « Club 55 Cup », la régate née entre deux bateaux, Ikra et Pride devait s’étoffer, dès l’année suivante, et prendre le nom de Nioulargue. Un nom inspiré du provençal « Nioulargo » littéralement « Nid du large » d’après un haut fond situé à 5 milles de la baie de Pampelonne et qui sert d’abri à la reproduction de multiples espèces de poissons méditerranéens. Il est également très intéressant de souligner que c’est la régate d’origine entre un classique 12mJI et un voilier de course-croisière moderne qui a donné sa caractéristique principale à la Nioulargue, puis aux Voiles de Saint-Tropez : faire naviguer sur un même plan d’eau les bateaux de la dernière génération et ceux qui ont écrit l’histoire du yachting.
L’année des yawls
Ce fut dit-on l’un des premiers actes du Président John F Kennedy à l’amorce de son mandat, faire de Manitou le Yacht Présidentiel en lieu et place d’un puissant motor boat de 92 pieds. Kennedy adorait ce yawl de 62 pieds signé Sparkman&Stephens lancé en 1936 et que les Coast Guards avaient reçu en donation en 1955. Equipé de tous les moyens modernes de communication, Manitou fut rapidement surnommé “The floating White house” par JFK lui-même. Cinq ans après l’assasinat de Dallas, Manitou fut vendu au Harry Lundeberg School of Seamanship de Piney Point, Maryland pour 35 000 dollars. Olin Stephens avait dessiné Manitou en s’inspirant de Dorade et Stormy Weather. C’est un trio de passionnés qui s’en est rendu acquéreur à l’a ramené en Europe pour naviguer en Méditerranée. Le suédois Claes Goran Nilsson, le Néo-Zélandais Phil Jordan et l’américain Pat Tierney vouent une passion culte à leur bateau. Les trois hommes et leur équipage très cosmopolite s’attachent à “apprendre” le bateau. 8ème à l’issue de cette semaine, ils promettent que dès l’an prochain, Manitou sera le voilier à battre à Saint Tropez.
Autres “newbies” fort appréciés cette année, Firefly, un 115 pieds néerlandais dessiné par Hoek Design et construit en 2011 au chantier Jachtbouw, la renaissance de Skylark, yawl de 53 pieds lancé en 1937 par le chantier Pendleton dans le Maine, sur un dessin Sparkman et Stephens. Skylark est considéré comme une évolution de Stormy Weather ou Sonny. On aura également été fort agréablement surpris de l’excellent comportement dans le petit temps d’un autre yawl ; Runa IV, barré par Bruno Troublé ; construit en 1918 au chantier Nielsen, au Danemark, (10m73), ce petit aurique ne peut renier ses origines Viking. Ce racer en bois à quille longue a été sauvé de la destruction en 2009 par Yves Carcelle qui l’a ramené de San Francisco pour le faire entièrement restaurer au chantier du Guip à Brest.
Le jeudi, on se défie !
13 Défis, la régate des centenaires ont, en plus de la Club 55 Cup, animé le plan d’eau des Voiles jeudi dernier, conformément à la tradition. La direction de course et Georges Kohrel, tenant compte de l’énorme anticyclone qui baigne tout le pays, avaient dessiné un petit parcours de 6,5 milles au coeur du golfe, là où un petit flux d’est nord-est avait depuis le début de la semaine pris l’habitude d’élire domicile à la mi-journée. Les différents challengers étaient ainsi invités dès midi à partir au plus près du Portalet, direction la marque de La Rabiou, puis la Sèche à l’huile à l’entrée du golfe, avant de glisser au portant vers une arrivée mouillée au ras du môle Jean Réveille.
Mariquita et Altaïr s’affrontaient eux dans une lutte de titan sur le parcours Nioulargue Club 55 dans le cadre de la Club 55 cup. Particularité 2011 – et trentième anniversaire oblige – Ikra, avec à son bord une partie de l’équipage d’origine du 12 M et de Pride, était associé au duel. Après un joli départ sur la droite du plan d’eau, le scénario des premiers jours des Voiles se reproduisaient sur la route des géants qui dès la sortie du golfe, tombaient… en panne de vent. Le deux challengers se rapprochaient alors pour se serrer la main. Un ex aequo bien dans l’esprit chevaleresque des Voiles était alors déclaré.
Avel remporte le Trophée Rolex
Le cotre aurique Avel (vent en Breton), caractérisé par son étrave à guibre et sa barre franche est le nouveau détenteur du Trophée Rolex. Commandé en 1896 par René Calame à Charles Nicholson, Avel fut dès le départ pensé pour la régate. En 1927, le beau cotre tombe dans l’oubli, et passe de nombreuses années dans une vasière en Angleterre. C’est Maurizio Gucci qui le sauve en 1990, confiant sa restauration à Harry Spencer et Clark Poston à Cowes. Avel rejoint en 1994 le circuit Classique Méditerranéen où il brille toujours de mille feux. Avel est le tout premier cotre aurique à remporter ce trophée de prestige.
Trophée Les Echos/Série Limitée
Yacht élu Prix Les Echos/Série limitée 2011 aux Voiles de Saint-Tropez : VERONIQUE !
Trophée Paris Première :
Le Trophée Paris Première est ouvert aux voiliers modernes dont la longueur hors tout est supérieure ou égale à 16 mètres. Le classement est établi à partir du classement des courses. Highland Fling, Irvine Laidlaw, Proto Wally
Régate des centenaires, Trophée Gstaad Yacht Club ;
Journée de tous les défis, le jeudi a vu cette année l’émergence d’une nouvelle idée venue du Gstaad Yacht Club. Peter Erzberger, Commodore of the GYC, dans une louable volonté de rapprochement avec le monde de la mer et de la régate, a choisi les Voiles de Saint-Tropez et son club organisateur, la Société Nautique de Saint-Tropez, pour proposer aux voiliers centenaires leur régate propre, dans le cadre de la journée dédiée à ce type de challenge, la journée du jeudi. Le Gstaad Yacht Club offre un Trophée au voilier vainqueur d’une course à handicap, selon les règles en vigueur du Comité International de la Méditerranée. Le yacht le plus lent part en premier, et le plus véloce en dernier. Le vainqueur fut le premier à franchir la ligne d’arrivée sous le Portalet. Le Gstaad Yacht Club, fondé en 1998 dans les montagnes suisses, signe ainsi son rapprochement avec Saint Tropez. Le club compte 400 membres de 23 nationalités.
L’immense flotte de beaux yachts inscrits aux Voiles ne compte ainsi pas moins de 18 “centenaires”. Victory, avec un pédigrée qui remonte à 1883 est le plus vieux, tandis que Pesa et Mariquita, nées en 1911, sont les petits derniers de ce club informellement prestigieux.
Résultat :
1- Bonafide (Sibbick 1899)
2- Tuiga (Fife 1909)
3- Pesa (Oertz 1911)
4- Mariska (Fife 1908)
5- Nan of Fife (Fife 1896)
6- Victory (Hitchens 1883)
7- Kelpie (Mylne 1903)
8- Avel (Nicholson 1896)
9- Partridge (Beavor Webb 1885)
10- Marigold (Nicholson 1892)
11- Veronique (Luke 1907)
12- Windhover (Hambleants 1904)
13- Wayward (Shepherd 1908)
14- Owl (Shepher 1909)
15- Sif (Hansen 1894)